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jeudi 4 février 2016

Retour vers le passé: le faucon pervers de l'Université de Montréal (hiver 2013)

Crédit photo: Léaw Roy

 Le 26 janvier 2013, une petite bombe éclatait dans le milieu des observateurs des faucons pèlerins de l'Université de Montréal sous la forme d'un article de Jacques Samson, intitulé "Un pervers à l'Université" et publié dans le journal Le Soleil. On y apprenait qu'un faucon pèlerin avait pris l'habitude de passer la nuit à diverses fenêtres de salle de bain - toujours de filles - à l'une des résidences de l'Université de Montréal et observait attentivement ce qui se passait à l'intérieur...

Très rapidement, la source du journaliste - l'étudiante Léaw Roy - s'était manifestée sur la page Facebook des faucons de l'UdeM, apportant avec elle quelques photos et vidéos additionnelles. Malheureusement, malgré ces éléments, l'identité du (ou, plus improbablement, des) faucon n'a pas pu être établie avec certitude.

Je reviens sur cette histoire pour plusieurs raisons. D'abord parce que je trouve que cette amusante histoire mérite d'être mieux connue. Surtout d'ailleurs par les personnes actuellement sur place à l'Université de Montréal parce qu'il est tout à fait possible que des perchoirs similaires continuent à être utilisé, à l'insu de ceux/celles qui, comme moi, observent les faucons (n'hésitez donc pas à communiquer avec nous si vous pensez avoir découvert un de ces perchoirs!). Je reviens également sur cette histoire puisque 2 éléments importants avaient été soit non précisés, soit incorrectement rapportés: la localisation exacte des perchoirs (en particulier, plusieurs d'entre nous avaient mal identifié l'immeuble à l'époque) et l'étendue dans le temps des observations (plus courte que l'article ne le laisse entendre). Je remercie grandement Léaw Roy pour les éclaircissements sur ces 2 points, ainsi que pour me permettre de partager ses photos et vidéos.



Où ?

L'article de Jacques Samson parle d'"une des résidences des filles". Une lecture un peu trop rapide amenait facilement à conclure qu'il s'agissait du pavillon Thérèse-Casgrain, qui est la résidence des filles. Or les observations ont plutôt été faites depuis une résidence mixte, la résidence C, située au 2350 Edouard-Montpetit. Plus précisément sur la façade Nord-Est de l'aile Nord-Est, façade qui donne sur le CEPSUM.

Sur la carte Bing ci-dessous, le point bleu représente l'endroit où ont été faites les observations. On distingue une partie du CEPSUM dans le coin supérieur droit. La tour de l'Université de Montréal se trouve vers le bas, à 500 mètres environ.

La photo suivante de la résidence C a été prise depuis la sortie latérale du CEPSUM, la flèche indiquant l'endroit où les observations ont été faites.

Les fenêtres concernées sont plus précisément identifiées sur ce gros plan:

   

Quand ?

L'article de Jacques Samson commence ainsi:
 Depuis quelques années déjà - ça fait au moins trois ans -
Comme me l'a appris Léaw, il s'agit d'un léger malentendu: dans son message au journaliste elle avait indiqué que depuis 3 ans qu'elle était aux résidences, elle avait fréquemment observé le faucon pèlerin. Le journaliste a de toute évidence conclu qu'elle avait observé le faucon dès son arrivée aux résidences.

De fait, Léaw ne se rappelle plus exactement quand elle a vu pour la première fois l'oiseau. Il s'agissait alors d'une vague silhouette à travers la vitre givrée, qu'elle pensait être un simple pigeon: rien de bien excitant! Elle considère cependant comme peu probable qu'il s'agissait de son premier hiver (2010-2011). Par ailleurs, comme les autres résidentes ayant vu l'oiseau sont arrivées un an après elle, elle conclut "on pourrait affirmer que les présents témoins ne l'ont vu qu'à partir de l'hiver 2011-2012".

Ce n'est qu'en janvier 2013, profitant d'une soirée particulièrement douce où la fenêtre de la salle de bain avait été laissée entrouverte, qu'elle a pu voir pour la première fois distinctement le faucon. Elle l'a alors filmé et photographié, et comme elle était une fidèle lectrice des chroniques ornithologiques de Jacques Samson dans Le Soleil, elle lui a transmis l'information. L'article s'en est suivi.

Léaw a ensuite de nouveau eu l'occasion de filmer le faucon en février 2013. Malgré qu'elle guettait sa réapparition éventuelle, elle ne l'a plus jamais revu par la suite, en particulier elle ne l'a pas vu durant les hivers 2013-2014 et 2014-2015. Léaw a quitté les résidences depuis.


À quels moments de la journée?

Je devrais plutôt dire "de la nuit", puisque Léaw voyait le faucon pèlerin vers 1 heure du matin, en tout cas jamais avant le couvre-feu de 23h.  Cela suggère donc que le faucon pèlerin passait la première moitié de la nuit ailleurs, ce qui constitue une autre surprise. Certes Montréal  n'est jamais totalement dans l'obscurité puisqu'il y a toujours des éclairages humains qui subsistent, même en plein cœur de la nuit. Les faucons pèlerins peuvent utiliser cette faible luminosité pour se déplacer sans difficulté au crépuscule et à l'aube, même s'ils ne sont pas des oiseaux nocturnes. Mais en plein milieu de la nuit ?

Ou bien cela signifie-t-il que le faucon attendait tout près le moment où les salles de bain seraient moins fréquentées et où il pourrait profiter sans être trop dérangé de la chaleur qui se dégageait de ces fenêtres? 


Photos et vidéos de Léaw Roy

Histoire de garder une mémoire visuelle des rencontres entre Léaw et le faucon pèlerin, voici, avec sa permission, ses vidéos et ses photos.

La 1ère vidéo et les 4 photos ont été prises le 12 janvier 2013 avec un ipod.
Crédit photo: Léaw Roy

Première vidéo (crédit vidéo: Léaw Roy)


Crédit photo: Léaw Roy
Crédit photo: Léaw Roy

Le 8 février 2013, Léaw Roy publiait une autre vidéo. Elle n'a plus vu le faucon depuis.

Deuxième vidéo (crédit vidéo: Léaw Roy)

Qui était le faucon pèlerin ?

La publication des 2 vidéos et des photos prises par Léaw avait suscité à l'époque beaucoup de discussions sur la page Facebook des Faucons de l'UdeM, dans le but de tenter d'identifier le ou les faucons pèlerins, voir par exemple ici et ici. La discussion s'était faite aussi en partie via courriel, où Eve Belisle avait notamment présenté des arguments en faveur d'un seul et unique faucon pèlerin, qui ne serait pas Spirit.

Spirit est la femelle faucon pèlerin qui niche sur la tour de l'Université de Montréal depuis 2009. Son compagnon était alors Roger (il a disparu à l'automne 2014). Dans la mesure où l'analyse des photos a permis d'exclure Spirit, les soupçons se concentraient logiquement sur Roger, surtout avec l'information selon laquelle les fenêtres de la résidence étaient utilisés de longue date (une information possiblement incorrecte comme on l'a vu plus haut). Cependant l'hypothèse d'un faucon pèlerin tiers (i.e., qui ne serait ni Spirit, ni Roger) n'a jamais été exclue.

Concernant  cette hypothèse d'un faucon tiers, on peut remarquer que les perchoirs choisis étaient doublement cachés de la tour de l'Université de Montréal: non seulement la façade ne donne pas vers la tour, mais l'autre aile de ce bâtiment - l'aile Sud-Ouest - fait écran avec la tour. Un faucon pèlerin utilisant ces perchoirs pouvait donc facilement passer inaperçu des propriétaires des lieux. D'autant plus que le faucon a toujours été observé alors qu'il faisait nuit.

Éole?

Depuis les observations de Léaw, un certain nombre de choses se sont passées.

À l'automne 2014, le faucon pèlerin Éole s'est installé à l'Université de Montréal. Auparavant il occupait un territoire limitrophe à celui de l'Université de Montréal, plus précisément à l'Incinérateur des Carrières où il a été observé pour la première fois en mars 2014. On ignore où il était entre le printemps 2011 - moment où il est né à l'Université de Montréal - et le printemps 2014, mais il n'est pas interdit de penser qu'il n'est jamais parti très loin de l'Université de Montréal. La clarification de Léaw sur la date des observations permet de considérer Éole comme un suspect potentiel dans la mesure où le faucon pervers aurait été observé pour la première fois à l'hiver 2011-2012. Pour ma part j'imagine très bien un jeune faucon pèlerin être assez insouciant pour aller dormir sur le bord d'une fenêtre derrière laquelle s'activent des humain(e)s! Si c'était Éole, il était dans son plumage juvénile lorsqu'il a été observé pour la première fois mais comme il était alors vu à travers une fenêtre givrée, cela n'aurait pas paru. En revanche le faucon filmé par Léaw a clairement un plumage d'adulte: ceci ne détruit cependant pas mon hypothèse dans la mesure où Éole aurait alors eu plus de 18 mois, qui est l'âge au bout duquel le jeune pèlerin acquiert le plumage adulte. Je laisse à d'autres plus physionomistes que moi la tâche de vérifier si cette hypothèse résiste à la comparaison de photos.

Mais il n'y a pas qu'Éole qui a visité l'Université de Montréal depuis le début 2013: Rick, son frère de nichée, en mai 2015; Arthurin en avril 2015 (qui est devenu le compagnon de Spirit jusqu'à l'automne), Algo et Polly en octobre 2013, pour ne citer que ceux qui ont pu être identifiés. Tous ces faucons qui ont été surpris par la caméra de Faucons de l'UdeM ou la mienne, et tous les autres faucons qui ont été observés mais qui n'ont pas pu être identifiés, pourraient en théorie vivre dans un territoire limitrophe à celui de l'Université de Montréal et donc possiblement être le faucon pervers (Algo et Polly sont un cas à part puisqu'on sait qu'ils vivent à l'année longue à l'Échangeur Turcot).

J'ajoute pour terminer, que les faucons pèlerins Éole, Rick et Arthurin ont été identifiés grâce à la caméra installée au-dessus du nichoir de l'Université de Montréal. Or cette caméra a été installée en mars 2014. La précédente caméra qui permettait de surveiller l'intérieur du nichoir avait été retirée en octobre 2011 en prévision des travaux majeurs de rénovation de la tour de 2011-2012 (le nichoir lui-même a été retiré à une date non déterminée avant d'être réinstallé le 7 décembre 2012). Tout ça pour dire que pendant plus de 2 ans, en plein dans la période où le faucon pervers avait été observé, les moyens d'identifier un éventuel faucon pèlerin de passage étaient très limités. 

Mise à jour du 30 mai 2022: mise à jour du lien vers l'article de Jacques Samson à l'occasion de son décès.

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