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samedi 16 juillet 2016

Décès d'Acacia, la jeune faucon pèlerin de l'Échangeur Turcot

Le 7 juillet le corps sans vie d'un faucon pèlerin juvénile a été trouvé non loin du nid de faucon pèlerin de l'Échangeur Turcot. Il s'agit malheureusement très vraisemblablement d'Acacia, qui avait quitté le nid de l'Échangeur Turcot le 19 juin.

Acacia, photographié par C. Fritschi le 3 juillet (crédit photo: C. Fritschi)

Après avoir rappelé les faits, je remets cette mort en perspective: la première année de vie est certes la plus périlleuse pour les faucons pèlerins mais une proportion non négligeable des fauconneaux bagués à l'Université de Montréal réussit à franchir ce cap difficile. Je reviens ensuite sur Acacia avec une synthèse des observations faites après le 27 juin.

Les faits

Le 7 juillet, des employés de KPH-Turcot ont trouvé le corps sans vie d'un faucon pèlerin juvénile sur le chantier du nouvel échangeur Turcot. La découverte a été signalée aux biologistes de SEF, qui surveillaient cette année les premiers vols des jeunes faucons pèlerins nés sous l'échangeur. Le lendemain matin Christian Fritschi a récupéré la carcasse et l'a amenée à la Clinique des Oiseaux de Proie à Sainte-Hyacinthe pour qu'une nécropsie puisse être effectuée, voir l'annonce de Christian Fritschi sur son site (je remercie Christian pour les informations supplémentaires sur les circonstances de la découverte d'Acacia, ainsi que pour son autorisation de publier sa dernière photo). La Clinique des Oiseaux de Proie, qui est financée en partie seulement par l'Université de Montréal, est une pièce maitresse de l'UQROP (= Union Québécoise de Réhabilitation des Oiseaux de Proie).

L'examen confirme qu'il s'agit d'un fauconneau femelle né cette année. À ce moment de l'année les fauconneaux sont encore dépendants des adultes et ne s'éloignent donc pas beaucoup du nid. Comme aucun autre nid n'est connu à proximité, il faut donc conclure qu'il s'agit d'Acacia. D'ailleurs celle-ci n'a plus été revue depuis.

Les causes de la mort n'ont pu être déterminées avec exactitude, en partie à cause de la rapide dégradation du corps due à la chaleur et à l'humidité. D'après le docteur Fitzgerald (propos rapportés par Faucons de l'UdeM, complétés par des informations supplémentaires reçues par courriel) aucune fracture n'a été détectée mais un traumatisme crânien sans fracture décelable ne peut être exclu. Merci à lui pour avoir bien voulu répondre à mes questions.

Concrètement il pourrait s'agir d'une collision, soit avec la structure de l'Échangeur, ou peut-être plus vraisemblablement (puisque Acacia n'était plus une débutante) une collision avec un véhicule circulant sur l'Échangeur.


Aucune nouvelle de Monroe

L'annonce de la mort d'Acacia s'ajoute à la disparition inquiétante de son frère, Monroe. Ce fauconneau n'a en effet plus été revu depuis le 18 juin, soit le lendemain de son premier vol. Certes, Acacia, en s'envolant le 19 juin, a certainement focalisé l'attention des observateurs et des photographes sur elle, même si quelques efforts ont été faits parallèlement pour localiser Monroe. Cela pourrait contribuer à expliquer que Monroe n'a plus été revu pendant quelques jours. Mais il faut tenir compte ici d'une particularité du comportement des faucons pèlerins (et probablement d'autres oiseaux): les faucons pèlerins sont très sociables à ce stade de leur vie. Monroe aurait logiquement du rejoindre Acacia à un moment ou à un autre pour jouer avec elle, auquel cas il aurait été vu par ceux et celles qui observaient Acacia.

Les chances que Monroe soit encore en vie sont plutôt faibles. Au mieux, s'il n'a pas été victime d'un accident, il a pu partir tout droit et s'éloigner suffisamment du nid pour ne plus savoir comment revenir. Dans ce cas il est peu probable que ses parents l'aient localisé et nourri puisqu'ils l'auraient probablement ramené à la maison. Comme Monroe ne savait pas encore chasser, sa seule chance aurait donc été de croiser d'autres faucons pèlerins nicheurs et d'être adopté par eux. Un tel comportement a déjà été documenté dans le grand Nord Canadien où la densité de nid est plus élevée, mais les chances que cela se passe à Montréal sont probablement très faibles. Pour finir, j'ajoute que comme Monroe est bagué, s'il avait été recueilli blessé mais vivant à quelque part, l'information aurait été transmise aux biologistes de SEF, qui auraient certainement partagé la nouvelle.

La nichée de cette année comportait 3 fauconneaux. Un des fauconneaux était mort au nid aux alentours du 4 juin; le 2ième a disparu le 18 juin et le 3ième à été trouvé mort le 7 juillet. On peut donc malheureusement craindre que tous les fauconneaux nés cette année à l'Échangeur Turcot sont décédés. 

Mise en perspective

La première année, une année difficile

Bien que le taux de mortalité lors de la première année de vie d'un faucon pèlerin est difficile à évaluer avec précision, il est clair que cette première année est un cap difficile à passer. Les jeunes faucons pèlerins peuvent mourir de maladies (parfois avant-même leur premier vol), être victimes d'accidents (par exemple collision avec des fenêtres ou des véhicules), être capturé par un prédateur tel que le grand-duc d'Amérique, mourir de faim faute d'avoir appris convenablement à chasser, voire même s'auto-emprisonner comme ce fut le cas à l'Échangeur Turcot l'an dernier (le fauconneau dans ce cas a heureusement pu être secouru).

Dans sa fiche sur le faucon pèlerin, le ministère Québecois des Forêts, de la Faune et des Parcs indique que le taux de mortalité lors de la première année "peut être de 50 à 75 %". Ce taux passerait à 20% pour chacune des années suivantes. Ces chiffres sont également cités dans le Rapport sur la situation du faucon pèlerin au Québec (David Bird, 1997) et semblent provenir du livre The Peregrine Falcon (Ratcliffe, 1993).

Situation à Montréal

À Montréal il y a déjà eu plusieurs cas de fauconneaux morts de maladie avant leur premier vol (dont le plus récent a eu lieu à l'Échangeur Turcot, voir plus haut) mais je n'ai connaissance d'aucun décès de fauconneau dans les semaines qui ont suivi son premier vol, à part évidemment celui d'Acacia. Ceci ne signifie évidemment pas qu'il n'y a pas déjà eu de mortalité: les cadavres peuvent ne jamais être retrouvés; ou s'ils sont retrouvés l'information n'est pas nécessairement connue des gens qui comme moi ou Faucons de l'UdeM suivent les faucons pèlerins à Montréal, particulièrement si le fauconneau n'est pas bagué.

Taux remarquable de survie chez les faucons pèlerins nés à l'Université de Montréal

Cependant les observations des faucons pèlerins nés à l'Université de Montréal montrent que ceux-ci ne réussissent pas trop mal à passer le seuil de la première année. Les fauconneaux nés sur la tour de l'Université de Montréal sont systématiquement bagués - et avec une bague relativement facile à lire de loin - depuis 2009. À l'occasion, un de ces faucons pèlerins tombe dans l'objectif d'une caméra ou les jumelles d'un observateur, ce qui permet d'affirmer que cet individu-là a survécu à sa première année. A priori les chances sont faibles de pouvoir ainsi confirmer la survie d'un faucon pèlerin (il faut en effet d'abord que le photographe ou l'observateur soit à la bonne place au bon moment, puis que la bague soit lisible). Mais malgré cette difficulté, il a été possible de prouver que plusieurs faucons pèlerins nés à l'Université de Montréal ont survécu à leur première année et que certains sont même devenus adultes.

Voici, par année de naissance, le nombre de fauconneaux de l'Université de Montréal qui ont été revus après leur première année d'existence (pour plus d'informations, voir sur le site de Faucons de l'UdeM: la généalogie, le blogue, la page Facebook).
Bien entendu, plus la naissance d'un fauconneau est récente, moins on a eu le temps de le repérer, ce qui pourrait expliquer qu'aucun fauconneau né en 2014 ou 2015 n'a pour l'instant été revu. Mais il n'est pas exclu que le nombre de fauconneaux revus ira en diminuant puisque avec l'augmentation de la population de faucon pèlerin, les faucons devront possiblement trouver des territoires plus éloignés où ils seront plus difficilement repérables.

Acacia après sa première semaine de vol   

Dans un article précédent, je tentais de faire la synthèse des observations d'Acacia pour la période allant du 19 juin (date où elle a quitté le nid) au 27 juin. Cette section couvre la période du 28 juin au 7 juillet.

29 et 30 juin: la routine

Daniel Toro propose une série de photos prises en début de soirée le 29 juin. On y voit Acacia en vol, ou perché sur un pylône.

Le 30 juin c'était au tour de Christian Fritschi d'aller observer Acacia. À peine arrivé, il a pu voir Algo livrer un repas à sa fille sur le toit d'un bâtiment le long du Canal Lachine. Acacia s'est ensuite envolée sur un vieux pylône où elle s'est fait harcelé par des étourneaux et des carouges. Voici ses photos et son récit pour cette journée.

2 juillet: transfert de proie en vol!

Daniel Toro et Robert Lussier ont apparemment tous les deux photographié la même scène: Polly est en vol avec un pigeon entre ses serres et Acacia tente de s'en emparer. Polly finit par lâcher la proie et Acacia réussit à l'attraper avant qu'elle ne touche le sol. Deux superbes séries de photos à voir absolument! Voici les photos de Daniel Toro et celles de Robert Lussier (pour voir les photos suivantes, utiliser la flèche de droite).

3 juillet: dernière photo

La dernière photo d'Acacia vivante est apparemment celle de Christian Fritschi.

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