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vendredi 9 décembre 2016

Les faucons pèlerins de l'Échangeur Turcot expropriés

C'était attendu. C'était dans le cours normal des choses compte tenu de l'avancée du chantier du nouvel Échangeur Turcot. Mais cela m'a fait un coup quand même: la demeure des faucons pèlerins a été barricadée, en attendant sa démolition pure et simple dans les prochains mois/années (une petite pensée en passant pour les hommes et les femmes qui ont été expropriés dans ce projet).

Cela s'est passé entre ma dernière visite le 9 octobre et ce 6 décembre. La corniche que les faucons pèlerins Algo et Polly utilisaient depuis 2012 pour nicher (avec l'exception de 2015) a été obstruée - de même que tous les autres endroits similaires qu'ils pourraient utiliser - de façon à inciter les faucons à se trouver un endroit plus tranquille pour élever leur progéniture.

Corniche du nid obstruée avec un matériau noir - 6 décembre 2016

À l'automne 2015 déjà, plusieurs corniches avaient été obstruées - incluant celle que les faucons avaient utilisée au printemps 2015 pour nicher (c'était la seule année où les faucons avaient niché du côté de la rue Saint-Patrick).  Les faucons avaient néanmoins été autorisés à revenir nicher à leur endroit habituel en 2016, ce dont ils ne s'étaient pas privés. Malheureusement cette dernière nidification semble avoir été un échec, avec 2 des 3 fauconneaux décédés et peu d'espoir pour le 3ième qui a disparu trop tôt pour survivre seul.

Algo et Polly disposent maintenant d'un peu plus de 3 mois pour trouver un nouvel endroit pour nicher, et je n'ai aucun doute qu'ils réussiront. Il est même possible que les faucons ont identifié des sites alternatifs depuis des mois, voire des années. Les faucons pèlerins disposent en effet de beaucoup de temps pour parfaire leur connaissance de leur territoire et repérer des endroits intéressants. Cette aptitude des faucons à se trouver un site de remplacement a été illustrée récemment par 2 couples de faucons pèlerins:
  • En 2012, les faucons pèlerins de l'Université de Montréal (qui se trouvent être les parents d'Algo et Polly) ont niché à l'Oratoire Saint-Joseph alors que la tour de l'Université de Montréal où est situé leur nichoir était en chantier. Cette tentative de nidification n'a malheureusement pas abouti, possiblement parce que l'endroit choisi était exposé aux intempéries (absence de toit).
  • En 2015 les faucons pèlerins de l'Incinérateur des Carrières se sont installés in extremis à l'église Saint-Marc située à 1.6km de l'incinérateur, après avoir donné toutes les indications qu'ils tenteraient pour une 2ième année de suite de nicher à l'Incinérateur. Cette nidification avait été une réussite remarquable avec 4 fauconneaux à l'envol, surtout si l'on considère que c'était la première fois que ce couple menait une nidification à terme. On ignore quand et comment ils ont trouvé cette corniche de cette église mais on peut penser qu'un des faucons avait identifié cet endroit depuis un moment.

Nostalgie

Une page se tourne donc pour Algo et Polly, mais c'est probablement pour l'observateur (moi) que c'est le plus difficile...

Berceau de ma passion pour les faucons pèlerins

Le site de l'Échangeur Turcot a en effet joué un rôle déterminant dans le développement de ma passion pour les faucons pèlerins, après la déception causée par l'échec de la tentative de nidification de Roger et Spirit à l'Oratoire Saint-Joseph. Comparé à l'Université de Montréal et à l'Oratoire Saint-Joseph, les faucons pèlerins de l'Échangeur Turcot évoluaient à une altitude particulièrement basse, ce qui permettait de les voir de près. C'est aussi cette année-là et à cet endroit que j'ai pu voir en vrai (et non sur l'écran de mon ordinateur via une webcam) mon premier fauconneau, malheureusement décédé quelques jours plus tard.

Des rencontres avec des biologistes spécialistes des faucons pèlerins

Rien n'était simple avec des faucons pèlerins qui nichaient sur une structure vieillissante comme l'Échangeur Turcot. D'une part, comme le faucon pèlerin est une espèce protégée, la loi interdit de les déranger pendant la période de nidification (quelques exceptions existent). D'autre part l'Échangeur Turcot devait faire régulièrement l'objet de travaux d'entretien et de réparation - parfois de façon urgente. Pour concilier ces 2 impératifs souvent contradictoires, des biologistes ont été engagés par le ministère des Transports avec comme mission de s'assurer que les travaux ne dérangeaient pas les faucons, ou quand ce n'était pas possible, de minimiser le dérangement occasionné aux faucons. Les biologistes devaient aussi veiller à la sécurité des travailleurs puisque les faucons pèlerins peuvent attaquer quiconque s'approche trop près de leur nid.

Des biologistes étaient donc régulièrement présentes sur le site (c'était presque exclusivement des jeunes femmes), ce qui a donné lieu à des discussions à la fois très agréables et très intéressantes pour un amateur comme moi. Je salue donc ici les biologistes de Services Environnementaux Faucon et je les remercie pour le temps qu'elles ont consacré à répondre à mes questions et à échanger les dernières nouvelles sur notre famille ailée. Ces moments vont assurément me manquer en 2017.  

Un site très intéressant

Le site de l'Échangeur Turcot était idéal pour observer les faucons pèlerins. Ils ne nichaient pas haut, comme par exemple à la Tour de la Bourse ou à l'Université de Montréal, ce qui permettait de facilement les observer. Et puisque les faucons étaient habitués à voir de près des humains, ils étaient relativement peu farouches et se tenaient souvent sur les poteaux d'électricité qui longent le canal. Parfois on pouvait même assister au bain d'un des faucons dans le canal. Le site lui-même était très agréable au printemps et à l'été, avec le bleu du canal et le vert des berges. Et finalement on avait une vue dégagée dans plusieurs directions.


Quelques souvenirs

De mes nombreux souvenirs, je n'en évoquerai que 2 ici.

8 juillet 2012: un faucon attaque une proie volant au ras du sol à 2 mètres de moi

Le 8 juillet 2012 je filmais un faucon pèlerin perché sur  un panneau publicitaire géant, en espérant qu'il décollerait.  Ce qu'il fit. J'avais un œil collé au viseur pour garder le faucon dans le champ de la caméra et l'autre œil probablement fermé. Le faucon ne cessait de grandir dans le viseur, à tel point que je me suis demandé si par hasard ce n'était pas moi qu'il attaquait! Le faucon visait en fait un merle à 2 mètres de moi. J'ai probablement distrait le faucon en décollant brusquement mon œil du viseur pour voir directement ce qui se passait, ce qui fait qu'il n'a pas osé passer entre les 2 barres horizontales du garde-fou et a donc raté sa proie. Je n'ai plus jamais assisté à une attaque sur une cible aussi proche de moi depuis.



Juin 2014: les aventures de Samantha sur le bord de la piste cyclable

Le 17 juin 2014 je suis arrivé tôt à l'Échangeur Turcot. On était dans la période où Samantha, une jeune fauconneau femelle, pouvait faire son premier vol. Je marchais sur la rue Côte-Saint-Paul en regardant vers le nid lorsqu'une signaleuse de chantier m'a demandé de passer sur le trottoir opposé. Je pensais que sa demande était liée aux travaux jusqu'à ce que je la vois: Samantha avait fait son premier vol et se trouvait sur le trottoir!  C'était la première fois qu'Algo et Polly arrivaient à amener un fauconneau jusqu'au stade de l'envol, et surtout c'était ma première rencontre rapprochée avec un fauconneau. Cette journée mémorable est racontée dans cet article.

Samantha avait été placée en sécurité en hauteur par les biologistes pour la nuit. Le lendemain matin j'y suis retourné. Samantha n'était plus sur le pilier, elle était au sol, au pied de celui-ci... Le problème c'est qu'il y avait des joggeurs qui passaient sur la piste cyclable, certains avec leur chien non tenu en laisse... Je me suis donc transformé en gardien de fauconneau. Stressant sur le moment, délicieux souvenirs par après.
Voici une vidéo montrant quelques uns de ces moments:

L'article au complet se trouve ici.

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